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L’ Eternaute de Hector Oesterheld et Alberto Breccia – Time Capsule

Fin de l’été 1969 à Buenos Aires, le scénariste Hector Oesterheld voit se matérialiser devant lui dans son bureau un inconnu qui va lui raconter en détail l’invasion imminente de l’Argentine par des forces extra-terrestres. Le dénommé Juan Salvo avait invité ses amis Favalli, Lucas et Polski pour leur partie de belote hebdomadaire, jusqu’à ce qu’une étrange neige phosphorescente ne se mette à tomber sur toute la ville, tuant instantanément toute forme de vie au moindre contact. D’abord passablement effrayés, le groupe s’organise rapidement en fabriquant des combinaisons protectrices de fortune, afin de pouvoir évoluer à l’extérieur et chercher quelques provisions avant de se voir recrutés de force par une milice de résistance. Là ils apprendront que cette curieuse neige mortelle n’est en réalité que le premier élément de l’arsenal beaucoup plus vaste d’une puissance bel et bien issue d’un autre monde…

L’éditeur américain Fantagraphics Books vient d’éditer l’année passée la série originale datant de 1957, créée par Oesterheld mais dessinée par Francisco Solano Lopez, en se basant sur le travail de restauration des planches réalisé en 2008 par l’éditeur français Vertige Graphics - qui par ailleurs, les publia à leur format original dans un très beau coffret en 3 volumes. La version dont je vous parle est elle une sorte de remake, disponible depuis 1993 par la grâce des Humanoïdes Associés jusqu’à ce que Rackham ne propose une nouvelle version retraduite en 2010, rebaptisée L’Eternaute 1969. Oesterheld poursuivit la suite des aventures du personnage, de nouveau avec Lopez, jusqu’à son enlèvement en 1977 mais la franchise continue d’exister encore à ce jour, sous la plume de nouveaux auteurs.


La version avec Alberto Breccia amorce un tournant dans l’approche d’Oesterheld, en ce qu’il transforme sa création en véritable brulot politique. Ici les grandes puissances du monde livrent littéralement l’Amérique du Sud à l’envahisseur pour être épargnées, et la Résistance elle-même use de méthodes plus que discutables qui n’ont rien à envier à l’attitude d’un gouvernement totalitariste. Ce dernier motif toutefois, sera davantage explicité au travers de la menace extra-terrestre qui paradoxalement, ne sera jamais complètement dévoilée. Nos héros découvriront en effet que leurs adversaires sont eux-mêmes des anciens opposants de l’ennemi invisible, contraints par une technologie de haut niveau de combattre à sa solde. Oesterheld aborde frontalement l’état d’esprit de son pays au premières heures de la Dirty War par le biais de la drogue appelée « Terreur », qui tue les soldats dès le moment où ils commencent à ressentir ne serait qu’une once de peur, palliant ainsi à d’éventuelles tentatives de trahison.


Breccia délivre quant à lui une version résolument expérimentale du récit, déployant toutes les variations imaginables entre le trait et la trace, aussi bien à l’aide d’empreintes que d’ajouts de collages, faisant s’entrechoquer le réalisme imparable que l’on connaissait depuis Mort Cinder avec les premières inclusions quasi-expressionnistes qu’il développera par la suite dans ses adaptations de Poe et Lovecraft, et qui culmineront dans le chef-d’œuvre scénarisé par Juan Sasturain, Perramus.


En haut : la série originale par Francisco Solano Lopez. En bas : un extrait de Stranger Things saison 1



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