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La La Land - Acte de naissance du Cinéma trumpien


Après l’excellent Whiplash, éloge de la volonté porté par J.K. Simmons (mieux connu pour son rôle de néo-nazi dans la série Oz), on se doutait bien que Damien Chazelle n’avait pas sa carte au Parti Démocrate. Aussi est-on surpris de voir son second opus – La La Land – s'ouvrir par un tour de danse multiculturel digne des pires séries Netflix.

En plein embouteillage, des automobilistes multicolores se mettent à virevolter façon Broadway, dans un ballet par ailleurs parfaitement exécuté. On s’attend à voir débarquer le rabbin paraplégique et le transgenre cherokee quand soudain... Tout le monde se cloitre dans sa petite bagnole et l’embouteillage reprend de plus belle.


L’Amérique post-raciale n’aura pas lieu.

Donald Trump est président des Etats-Unis.


Décadanse


L'histoire : Dans un Los Angeles de carton-pâte, deux amoureux – Seb (R.Gosling), pianiste de Jazz, et Mia (E.Stone), actrice, tentent de se faire un nom dans le show business.


Un pitch des plus classiques, et pour cause : le film est un herbier géant, une immense réussite visuelle hantée par les grandes heures d’Hollywood, bourrée de citations (Hitchcock, Donen...) et de tics vintage (Du Super 8 au numéro de claquettes).


Loin de The Artist et autres pastiches yéyés, La La Land semble vouloir ramener l’Amérique au stade pré-adamique : un âge fait de corps beaux et jeunes, d'amours chastes et romantiques... Un âge d'or. Mégalo mais pas dupe, Chazelle ne croit pas pour autant au paradis retrouvé ; Derrière la bonne humeur communicative flotte sur La La Land un étrange parfum de détresse.


L'identité Malheureuse


«Trump est en train de gagner car l’Amérique blanche est en train de mourir»

N.Chomsky


Comme il y’a eu un cinéma reaganien (et un cinéma «obamien»), il y’a maintenant un cinéma trumpien. Qui ressemble moins au nouveau président qu’à son électorat : blanc, angoissé, peinant à trouver sa place dans une Amérique qui n'est plus «la sienne». Plus simplement : la prochaine minorité américaine.


«J'ai toujours pensé que le Jazz et le Blues étaient les seules formes d'art authentiquement américain» expliquait Clint Eastwood à la sortie de Piano Blues (2003). Dans La La Land, le Jazz (Seb) et Hollywood (Mia) opèrent précisément comme symboles de l'Amérique éternelle.


Il suffit d'observer Seb, et sa recherche du Jazz «authentique» - chimérique idéal de pureté - pour réaliser combien le film, derrière le vernis rétro, entre en résonnance avec l'esprit de l'époque. Ce qui rend, par ailleurs, le personnage touchant, c'est qu'il échoue à remplir ses propres critères de valeur : petit blanc de Californie, Seb n'est pas plus légitime comme dépositaire du vrai Jazz que (mettons) Eric Zemmour en héraut de la vraie France.


C'est que, comme Zemmour, Seb a choisi son identité, faisant preuve en la matière du zèle des néophytes. Quitte à se contredire : lors d'une scène a priori anodine, le pianiste - sous prétexte d’expliquer l’essence du Jazz – donne sa définition de l’Amérique : “C’est une perpétuelle réinvention !”.


Seb (R.Gosling) et Keith (J.Legend)


Son ami Keith (J.Legend), s’efforce justement de renouveller sa musique, fidèle en-cela à l'éthique révolutionnaire des premiers jazzmen. C'est lui, le véritable esprit de l'Amérique – et son avenir : Gosling finit membre du groupe de Keith, jouant, plein d'amertume, un Jazz trop métis à son goût.


Mélancolie Américaine


Le film reprend 5 ans plus tard. Mia, qui partageait au départ l’idéalisme de Seb, s’est muée en actrice à succès et bourgeoise conformiste. Sacrifiant ses idéaux de jeunesse, elle a su trouver sa place dans le monde tel qu'il est, après un détour par une Europe idéalisée.


Extrait :

Mia : Je retourne chez moi.

Seb : Je passe te prendre demain matin.

Mia : Non, le vrai chez moi.

Seb : C’est ici (L.A.) chez toi.

Mia : Ce n’est plus chez moi !



Ne pouvant se résigner à jouer les seconds rôles, Seb finit par monter son propre club de jazz, un club où il est vraiment chez lui, et qu’il appellera… «Seb’s». Il y occupe le devant de la scène, noyé dans une nostalgie aliénante.


Un soir, Mia et son mari - un businessman sans relief - se rendent par hasard au Seb’s. L'actrice et le pianiste échangent un regard plein de regrets. C'est tout. Pas de happy end.


Pourtant le film n'est pas fini. La La Land se clot sur une curieuse séquence de déni, un fait alternatif où Seb imagine ce qu'aurait été sa vie si tout s’était passé comme prévu : comme dans un vrai film hollywoodien. Une illusion où l’Amérique est grande. Encore.

Brian Simars


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