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Sophocle au bout du jour...

Levées un dimanche à l’aube, quelques 500 personnes prenaient place au théâtre du manège à Mons pour assister aux sept tragédies de Sophocle mises en scène par Wajdi Mouawad. Wajdi lui-même, après quelques plaisanteries sur l’heure (tardive pour certains qui ne s’étaient pas encore couchés), ouvre les Trachiniennes et cette journée hors du temps en lisant un vers de Robert Davreu dont les traductions inspirent le texte des œuvres interprétées : « La nuit serait éternelle sans la nuit ».

Et c’est en effet une nuit sans fin qui nous attendait puisque nous ne sommes ressortis (non indemnes) de cette expérience qu’une fois la nuit à nouveau tombée, quelques heures avant l’aube suivante.


Le théâtre de Wajdi Mouawad, on le comprend dès la première pièce, est un théâtre de l’entre-deux. Les acteurs sont pris entre deux publics, nous face à eux, et eux-mêmes derrière, assis sur des gradins, s’observant tour à tour prendre la parole. L’instant d’une scène c’était nous-mêmes qui prenions place auprès des autres acteurs, comprenant que ce qui nous attendait n’était pas vingt heures de passivité dans la pénombre et la chaleur à observer d’autres s’agiter pour nous, mais un effort joint à celui des acteurs qui allait rendre possible une telle expérience. Nous dirions aisément aussi qu’il s’agit d’un entre-deux comme dialogue résonnant entre les millénaires, et ce serait ainsi Dark Vador lui-même qui aurait empêché Ajax, la corde au cou, de se donner la mort la première fois. D’un entre-deux comme mélange ou plutôt association des différents arts au théâtre : la musique dans les cinq premières pièces avec Cantat dans les trois premières qui s’essaie à l’a capella andalou et au chant diphonique, et Michael Jon Fink pour les deux suivantes ; l’art de la matière tout le long des représentations, tantôt dans le jeu des acteurs avec celle-ci (les mains, à ce propos, jouent un rôle central et ont souvent une mise en scène à part entière bien définie) et tantôt dans le décor lui-même ; l’art des corps dont l’esthétique est soignée comme l’on soignerait celle d’une sculpture, aussi bien celle que l’on retrouverait dans la torsion des muscles du Laocoon que celle sublime de la belle Sara Llorca dont le corps déformé par la grossesse était pure et simple beauté ; l’art des mots dont la poésie venait entrecouper ici et là les différentes scènes ; et l’art enfin du cinéma qui vient se mêler quelquefois et s’inscrire au sein même des représentations.


Le dernier jour de sa vie est donc un entre-deux, une longue traversée du Styx qui ne nous laisse qu’une fois vidés de toute substance tant nous avons à la fois donné et reçu.

Myma

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