One of them...
Quelques éditeurs indépendants américains ont le bon goût de ne se spécialiser que dans l'adaptation des franchises télévisuelles et cinématographiques. C’est le cas, par exemple, pour Dark Shadows et Twilight Zone chez Dynamite Comics, ou de Kolchak : The Night Stalker chez Moonstone Books. Mars Attacks suit la tendance (après une courte période - très peu marquante - chez Image Comics) et se retrouve aujourd'hui chez IDW qui eux, publient notamment la suite des aventures des agents Mulder et Scully. Nos martiens belliqueux favoris semblent donc avoir trouvé, à ce jour, un second souffle à leur mesure, après avoir été embarqués dans des cross-overs un peu contre-nature mais audacieux cependant (avec Popeye ou Judge Dredd…). IDW semble d’ailleurs capable du meilleur comme du pire dans ce domaine : faire se croiser Planet Of Apes avec Star Trek, pourquoi pas encore - en plus c'est une vieille idée - mais X-Files avec Teenage Mutants Turtles ? Enfin paraît-il tout du moins que ça fonctionne à peu près…
A peine le premier paragraphe terminé, et je vois déjà quelques chaises se vider dans l'assemblée. Non je ne vous ai pas dérangé pour vous infliger impunément de tels outrages, mais au contraire attirer votre attention sur une autre expérimentation de l'éditeur, qui, elle, pourrait s'avérer bien plus positionnée qu'elle n'en a l'air, et qui est même à peu près tout sauf un geste vain.
First Born nous raconte l'histoire de Clare, une fillette rendue aveugle par les explosions de l'invasion martienne, qui ont également coûtées la vie à ses parents. Elle vit en compagnie de son Oncle Woody (en hommage à Wallace Wood, l'un des pionniers des comics de SF à l'ère glorieuse des EC Comics, juste avant la naissance des super-héros) qui, lui, voit toujours très bien et n'ose pas dire à sa nièce que le bébé trouvé dans les décombres qu'ils ont recueilli est en fait la progéniture des envahisseurs meurtriers. Entre deux retours de soucoupes volantes toujours plus destructeurs, Clare fera la connaissance de deux autres adolescents rescapés dont la mère elle aussi, n'est pas tout à fait remise de la mort de son mari. Réunis par les circonstances, cette petite bande de misfits trouveront peut-être ensemble une façon de composer avec leurs traumas différents, par le biais du devoir et de la responsabilité envers les plus faibles, fussent-ils la progéniture de l'oppresseur…
Les deux auteurs ont déjà réalisé pour le compte du même éditeur une mini-série (The Hollows) qui a eu très bonne presse, et si le nom de Chris Ryall n'évoque que très peu de choses (bon, si ce n'est que c'est l'éditeur-en-chef chez IDW), Sam Kieth lui par contre est une légende vivante du comic-book. Encreur de Matt Wagner (Grendel) à dix-sept ans seulement, il participera à la création visuelle de The Sandman (un autre monument) qu'il lâchera au bout de 5 épisodes se sentant un peu trop bridé (il ne l'a pas dit tout à fait comme ça, mais plutôt qu'il se sentait « comme Jimi Hendrix chez les Beatles »). Il tentera ensuite l'aventure Image Comics à sa première incarnation (un label fondé au départ par les dessinateurs-stars de Marvel, dont le Spawn de Todd McFarlane est à peu près la seule publication ayant survécu au passage du temps) avec sa propre création, The Maxx. Passé les impératifs super-héroesques des dix premiers épisodes, celle-ci s'imposera comme une des séries indépendantes les plus audacieuses de son époque -IDW vient également d'en ré-acquérir les droits et en publie l'intégralité sous forme de recueils, je ne peux que vous encourager à cette découverte, où Kieth, en pleine force de l'âge, déploie pleinement l'étendue de ses aptitudes scénaristiques ainsi que celle de sa virtuosité graphique.
Trop rare depuis les années 2000, malgré d'excellentes mini-séries chez ONI Press (Ojo ; My Inner Bimbo), il semble que son retour sur le devant de la scène ne soit dû qu'à la ferveur de Ryall, qui le moins que l'on puisse dire, ne manque pas de flair. Son script pour First Born renoue avec les plus beaux éléments de la tradition SF , et le fait d'en avoir confié l’exécution à Sam Kieth serait peut-être l'amorce pour la franchise d'une extension de registre. Tout ce qui vient à l'esprit à propos de Mars Attacks se résume un peu trop à la patte de Tim Burton : la parodie, les soucoupes volantes fluos, et jusqu'à maintenant ça n'a pas donné grand-chose en comics. L'incursion dans le domaine dramatique constitue en l'état, un pas de géant absolument gigantesque. N'allons pas jusqu'à extrapoler vers une sorte de transposition de The Walking Dead avec des martiens (encore que… ça marcherait bien avec la série « V ») mais c'est une preuve en tout cas que la franchise peut elle aussi devenir à tout moment un véhicule pour des thématiques résolument sérieuses, résolument adultes. First Born en est en tout cas, l'imparable démonstration, ainsi qu'une lecture tout à fait recommandable.
Nonobstant2000