De quoi le Phénix est-il le nom ?
- freakosophy
- 6 oct. 2014
- 14 min de lecture
La formule de « mythe moderne » est aussi usée et hirsute qu’une barbe de hipster (j’en profite pour préciser ici que ma propre barbe a toujours été le fruit de ma plus grande et coupable négligence). Mais on ne peut s’empêcher de la prononcer quand on croise un personnage aussi mythique que le Phénix/Jean Grey. Nos deux secondes de culture classique nous obligent à identifier le personnage comme mythe, et qui plus est moderne. Comme le Phénix, Jean Grey ne cesse de mourir et de renaître. La silhouette d’un gigantesque oiseau de feu l’enveloppe chaque fois qu’elle se transforme. Le personnage s’enracine un peu plus profond dans notre subconscient culturel en fusionnant avec d’autres symboles (Jean Grey est rousse et systématiquement en colère quand elle est possédée). Tous les points sont reliés. La connexion est parfaite. Mais les aléas de l’histoire du personnage du Phénix semblent contredire largement une identification aussi directe avec le mythe en question. Jean Grey est peut-être au contraire le personnage qui souffrira le plus d’être identifié avec un mythe, quitte à perpétuellement le refuser et se sacrifier. Ce personnage oblige à se demander ce qui se cache derrière ce recours aux mythes. Les super-héros fonctionnent-ils vraiment comme des mythes ?

Sans approfondir cette question générale (que j’espère avoir assez approfondi dans un livre qui sortira bientôt), je veux faire quelques remarques rapides avant de répondre. Car il existe des raisons a priori pour croire que c’est le cas.
1) Il est stratégiquement utile de rabattre un art populaire en mal de légitimité sur la forme de discours la plus ancestrale et noble qui existe.
2) C’est encore plus utile quand vous êtes minoritaire dans un monde conformiste, c’est-à-dire juif, ayant grandi dans les rues non-gentrifiés et dangereuses de Brooklyn, et que vous cherchez une légitimité en produisant quelques grands mythes américains.
3) Ces mythes sont suffisamment ancestraux pour être considérés comme de larges tunnels qui permettraient de faire communiquer entre eux les différentes cultures, pays ou civilisation. Et là encore, cette idée est parfaite pour proposer une exportation vers les autres sphères culturelles et le monde. Dans la grande bonbonnière des mythes ou héros colorés de la maison Marvel, j’aimerais ne parler que d’un seul. Le personnage du Phénix est une invention de Chris Claremont. Ce dernier reprend les Uncanny X-Men en 1975 pour renouveler l’équipe et développer certains anciens personnages. Dans l’esprit de Claremont et sous la plume de John Byrne, les X-Men deviennent des freaks (superbe épisode 111), des jet-setteurs cosmopolites, qui ne cessent de se faire kidnapper pendant des cocktails libertins, et défient les mythes primordiaux de tribus anciennes. Avant de devenir le Phénix, Jean Grey n’était qu’une Marvel Girl assez sommaire – si ce n’était la mini-jupe jaune très sixties qu’elle portait et le loup standard des super-héroïnes. Mais rien ne la rendait passionnante. Elle en était réduite à n’être que la petite amie de Scott Summers. Claremont a su transformer ce personnage féminin secondaire en véritable bombe cosmique. Une femme fatale qui crame le cosmos entier en même temps qu’elle vous réduit le coeur en cendres.

Marvel Girl est tombée dans l'oubli en même temps que sa garde robe...
Je ne sais pas si au fond de moi brûle une diva cosmique habitée par la force du Phénix, mais j’ai tout de suite adoré cette force cosmique. Pour autant de raisons qu’il existe de traces de bouffes dans la barbe de Gandalf. D’abord, le Phénix projette les X-Men dans l’espace. Il donne une résonance universelle à leur rage. Ensuite, il est leur arme de destruction massive. Sans lui, les X-Men seraient à peine pris au sérieux par les Avengers, les Quatre Fantastiques et les autres. Enfin, grâce à Jean Grey, les héros passent aussi de l’antinomie morale classique du bien et du mal à un dilemme plus profond : vivre ou mourir, maîtriser sa force ou se suicider. Jean Grey est la seule notamment à prendre au mot Spiderman et son couplet sur la responsabilité. Son histoire lui répond très directement : si un grand pouvoir implique de grande responsabilité, et que ce pouvoir est si grand qu’il en devient dangereux, on peut considérer qu’on a l’obligation de se suicider pour éviter un nouveau génocide cosmique comme celui que provoque le Dark Phoenix. Pour la petite histoire, alors que dans les arcs récents, la menace porte sur le tissu même de la réalité (cf Infinity), le Dark Phoenix se contente de faire brûler une planète d’aliens hippies aux cheveux en pailles et des branchies pour respirer bien qu’ils vivent hors de l’eau. Voilà la faute du Dark Phoenix (qui quelques épisodes auparavant a risqué sa vie dans le cristal M’Krann pour sauver le coeur même du réel, dans Uncanny X-Men #107). La conclusion si héroïque et ascétique de Jean Grey dans le Uncanny X-Men #137 (déjà proposée dans le Uncanny X-Men #136) est potentiellement généralisable à tous les super-héros. « Suicide pour tous ! » Quel sens du mélodrame. Vraiment j’ai adoré.

Un mythe lévi-straussien ? Pas tout à fait. Pour revenir à notre sujet, le Phénix est un mythe, parce qu’il appartient à la tradition grecque. Mais il fonctionne aussi comme un mythe au sein des X-Men, dans un sens plus lévi-straussien. Phénix est chargé de résoudre logiquement les contradictions que présente son personnage, exactement comme le fait tout mythe selon Lévi-Strauss. A la fois humaine et demi-dieu, Jean Grey cumule deux qualités contraires. Cette tension aurait dû dissoudre n’importe quel personnage dans le grand délire.
Comment une force ancestrale peut-elle tolérer d’être constamment en mini-jupe et jouer la pin-up ? Comment Jean Grey fait-elle pour avoir l’air si innocente alors que son corps est parcouru du pouvoir cumulée de centaine de milliers d’étoiles. Chaque fois qu’elle perd un combat face à un super vilain, n’est-elle pas en train de faire semblant pour laisser aux X-Men l’impression d’avoir encore une quelconque utilité ? La structure mythique du Phénix permet de résoudre ce conflit. Au lieu de devenir incohérente la figure du Phénix ne cesse de mourir et de renaître. La résurrection est la seule chose qui puisse arriver à une figure mi-humaine mi-divine. Phénix revient toujours. Elle est « le feu et la vie incarnés », la destruction et la création, Vishnu et Krishna dansant le tango. Mais l’utilisation de la catégorie de mythe lévi-straussienne achoppe sur le même écueil que son analyse d’Oedipe. Vernant et Vidal-Naquet ont reproché à Lévi-Strauss (et à Freud) d’avoir mis différentes versions du mythes pour ne retenir que celle qui l’arrange le plus. Or, ce qui frappe le lecteur est la constante reformulation de ce qu’est le Phénix au fil des années. Activons le kaléidoscope mythologique et essayons de tout voir selon de multiples reflets.
Dans la première version de Claremont, le Phénix utilise une formule qui sera sa catch-line « I am fire and life incarnated ! Now and forever » (UXM #101) Mais très vite, le Phénix est vite rapporté à d’autres mythes (kabbalistiques en l’occurrence) comme lorsque le narrateur explique que Jean Grey s’est senti comme « Tiphereth, le mystique arbre de vie », « enfant du soleil, enfant de la vie », au moment de sauver l’univers (UXM 108 et rappel dans le UXM #135). Superposé à ce discours kabbalistique, le discours de Moira Mc Taggart, la scientifique du groupe, rabat aussitôt le Phénix vers la science – une science un peu magique, où il suffit de mettre plein de mots ensemble pour produire par alchimie une description exacte du phénomène en question. Quand Xavier engage le Phénix dans un affrontement qui « remue les couches entières de la réalité », le pouvoir du phénix est présenté comme capable de générer un « champ de stase d’anti-énergie vivante ». Plus tard, dans les New X-Men de Grant Morrison, le Phénix sera essentiellement présent dans l’inconscient de Jean Grey, et le Pr. Xavier n’hésitera pas à l’hypnotiser pour pouvoir parler à la force divine. C’est cette même piste que suit les films X-Men. Le Phénix n’est qu’une névrose, la réaction à une barrière psychique posé par le Pr. Xavier dans l’esprit mutant surpuissant de Jean Grey. Ce n’est pas une mauvaise idée. Mais la démolition de la dimension mythique du Phénix était un coût trop élevé pour l’exploiter.
L’actuel et le possible, le Phénix vs Galactus.
Claremont ajoutera une ultime dimension au personnage du Phénix. Rachel Grey hérite en effet du Phénix lorsque Claremont scénarise Excalibur en 1988. Mais si ajouter le Phénix pour reproduire les mêmes lignes narratives ne pose aucun problème à Marvel, ça en pose un à Claremont. le Phénix, comme beaucoup d’entités cosmiques de Marvel, marche sur les plates bandes métaphysiques de Galactus ou des Célestes. Elle est comme eux une sorte de puissance pure – destruction nécessaire à la création. Comment peut-elle se distinguer dans l’air saturé de figures cosmiques du Marvel des années 90 ?
Quand Galactus rencontre le Phénix incarné par Rachel (dans Excalibur #61 – en 1993), Galactus rappelle par ailleurs la nature destructrice du Phénix, et la renvoie à son hypocrisie : Rachel aimerait arrêter le Titan, mais elle aussi tire son pouvoir de la même source. C’est à Alan Davis, le dessinateur anglais qui avec Claremont a co-créé Excalibur, que revient de faire la précision en pleine guerre éristique avec Galactus : le Phénix emprunte sa puissance à la source de toute vie future et possible. Dès lors, le Phénix devient autre chose qu’une figure vitaliste, mais il incarne aussi le lieu du possible par excellence.

Je retranscris une partie du dialogue entre Galactus et le Phénix :
« galactus, tu dois désactiver ta machine. Ce monde porte la vie.
– Laisse-moi, enfant des étoiles. Je ne tolèrerai aucune interférence. J’ai besoin de me sustenter.
– C’est mal d’assassiner un monde pour satisfaire son appétit.
– Va-t-en ! Maintenant ! Je n’ai pas le temps pour ces postures hypocrites. (…) Je suis ce que je suis. Je fais ce que je dois faire pour survivre. Alors que toi, porteur ancestral de chaos, tu feins la supériorité moral tandis que tu parades dans les habits d’une humanité empruntée. (…)
– Pris d’une passion folle, j’ai détruit un soleil et le monde qu’il réchauffait. Je reconnais mon péché et je m’agenouille sous le poids de ce fardeau.
– Je ne parle pas d’un seul soleil, mais de là où tu voles ton pouvoir.
– Je n’ai pas besoin de voler, je suis l’incarnation de la vie !
– Tu es unique, en effet. Né d’un vide entre les états des choses. Mais tu es une expression de la force de vie universelle. Pas une apparition. L’univers est fini. Dès l’instant de ta création, tout ce qui sera jamais était. Dans la vie et la mort, il y a une transition… et en vivant, une progression. Mais rien de nouveau est créé.
– Je suis soutenu par la chaleur du cycle féroce de la vie.
– dans ton état naturel peut-être, mais ce n’est pas suffisant pour maintenir ton activité sur ce plan. (…) Tu t’abreuves à la source d’un potentiel pratiquement infini : la mer de la vie qui n’est pas encore née… Qui représente le plus maux de tous, enfant des étoiles ? Moi, le dévoreur de vie qui court à sa perte, ou toi, qui nie l’existence des générations futures ? »
Ce thème soudain introduit dans la mythologie du Phénix pour justifier le nouveau fardeau qu’elle porte est peut-être le changement le plus radical que le mythe puisse subir. On pourrait philosophiquement revenir sur l’argument de Galactus, considérant que tuer le possiblement vivant est pire que tuer l’actuellement vivant (ce que plusieurs philosophes pourraient contester).
Dans sa perspective, le Phénix se définit comme une présence pure de vie, un surgissement. Elle ne saisissait pas (étrangement) sa dimension processuelle et temporelle. L’éternité qu’elle pensait incarner était celle d’un présent éternellement suspendu. Galactus et sa perspective schopenhauero-décadentiste, sait que la vie dépérit, et il rend, sans s’en rendre compte, le sens du possible que le Phénix semble ne pas avoir compris jusqu’ici.
Dès lors, le Phénix a ceci de différent qu’il est pas seulement une entité superpuissante du monde Marvel, mais il devient aussi l’indicateur météorologique du possible. La dernière brique de la mythologie du Phénix devait être posé par Claremont.
Pendant l’arc de House of M, Claremont invente le topos du Phénix, son lieu, ou plutôt son non-lieu : la « white hot room » (UXM #462). Rachel est ainsi projeté en pleine page blanche, où elle se trouve être le seul dessin de toute la planche, et où tout est possible, tous les costumes apparaissent si elle le désire, tous ses avatars, un peu sur le modèle de l’intermonde de Matrix. Cette « white hot room » est le lieu de vie du Phénix, là où se dissolvent et s’assemblent ses avatars, relâchés dans l’univers Marvel ou rappelés vers lui.

Une réflexion sur la méta-narrativité. Jean Grey : le personnage qui refuse de devenir un mythe.
Outre sa puissance, c’est la façon même dont le Phénix apparaît qui est captivante. Certaines histoires de Claremont montrait déjà des hommes se faire posséder par des forces supérieurs : le roi d’ombre, Proteus le mutant qui épuisent les enveloppes corporelles comme d’autres leur paquet de clopes… Les possessions sont par définitions passagères. Les forces qui s’emparent des corps sont chassés ou les corps détruits. Mais le Phénix reste chevillé au corps de Jean Grey. Et quand les possessions permettent d’exonérer possédés de la responsabilité de leurs actes, Jean Grey en conclut à l’inverse qu’elle est responsable du Phénix.
Suivant la logique mythologique d’un Joseph Campbell, Jean Grey se vit comme l’avatar responsable d’un mythe plus grand qu’elle, qui lui dicte sa vie et la révèle à elle-même. C’est cette logique mythique (on a tous un destin – un mythe – enfoui en nous qui ne demande qu’à s’actualiser) qui est poussé à son terme par le Phénix. En mettant en scène un personnage qui vit exactement comme le recommande toute l’industrie culturelle (et particulièrement celle des comics), les différentes sagas du Phénix nous susurrent déjà à l’oreille tous les thèmes connus de la méta-narrativité. Car Jean Grey n’est pas sûr de vouloir succomber à cette sensation grisante de devenir un mythe vivant.
Les règles tacites de la résurrection sont simple. Un héros ne revient que parce que sa mort prouve qu’il est capable de se sacrifier personnellement pour un bien supérieur. Jean Grey se sacrifie une première fois comme une héroïne pour sauver les autres (Uncanny X-Men #100). Elle mérite de revivre, et elle le fait sous la forme du Phénix. Le lecteur n’est pas trop étonné, et son costume est plus cool – jusqu’ici rien de plus normal. Mais ce qui devient troublant c’est qu’au moment de son deuxième sacrifice (Uncanny X-Men #107), elle renaît encore, presque mécaniquement. La troisième fois, Jean Grey se sacrifie pour ne pas laisser de chance au Phénix de réapparaître (Uncanny X-Men #137). Elle refusait le retour même de la force. Manque de pot, le Phénix lui colle à la peau. Dans un crossover DC/Marvel inédit entre les X-Men et les Teen Titans, Claremont fait revenir le Phénix, en en faisant un allié de Darkseid. Ce dernier kidnappent les X-Men pour leur extorquer leurs souvenirs du Phénix et le faire revivre. Mais très vite, les souvenirs de Jean Grey oblige le Phénix de s’allier avec les X-Men pour lutter contre Darkseid et triompher du titan.
Après avoir tué le personnage de Jean Grey, Claremont avait interdit sa résurrection à moins qu’elle soit dédouanée des crimes du Phénix. Son intention est clairement d’imposer une sorte de cohérence morale parmi les super-héros. Elle ne reviendra que six ans plus tard (1980-1986). Car le recours que trouve un fan est imparable : sa résurrection l’amputera de sa mémoire. Jean Grey devient deux : Jean Grey (Jean avec quelques vagues souvenirs du Phénix) et Madelyne Prior (le Phénix, avec quelques vagues souvenirs de Jean Grey). Jean Grey ne pourra donc théoriquement plus être imputable de la destruction de la galaxie par le Phénix Noir. Je ne développerai pas les méandres qui conduisent à l’affrontement de Jean Grey avec son propre clone. Mais lors du final (X-Factor #38), Jean Grey est conduite de nouveau à accepter le Phénix en reconnaissant que son destin est lié à lui – tout en étant exempté de toute responsabilité rétrospective. Jean et le Phénix repartent donc de zéro, et le Phénix la met un peu en veilleuse un premier temps (l’ennemi des X-Factor est essentiellement Apocalyspe à l’époque). Mais Jean Grey ne redeviendra pas intéressante avant longtemps.

A ce stade, le Phénix aurait dû être depuis longtemps considéré comme une chose interdite, quelque chose comme regarder des vidéos d’attaques de requins ou regarder à la suite tous les sketchs de Florence Foresti sur youtube. C’est trop facile, trop évident. Plus personne ne veut du Phénix.
Et pourtant, le Phénix revient aux côtés d’Excalibur à travers Rachel Grey, jusqu’au combat contre Necrom l’anti-phénix (un de mes arcs préférés). Car il prend sa forme logique ultime, c’est-à-dire qu’il quitte sa forme mythique pur et simple : un personnage a des ailes de feu qui lui pousse dans le dos + barbecue à l’échelle de la planète + sacrifice héroïque. Le Phénix devient un truc cérébral, il devient le récit de sa propre difficulté à devenir un mythe. Depuis sa prise de conscience lors de sa rencontre avec Galactus, il n’a pas cessé de faire des écarts à son propre mythe. Le Phénix est devenu multiple. Il ne pouvait plus se raconter naïvement comme un éternel retour (une répétition horizontale dirait Deleuze), il a dû intégrer sa propre dimension créatrice au sein de sa sérialité (une répétition verticale). Si le Phénix revient c’est pour créer du neuf, y compris dans sa propre façon de revenir à la vie.
La multiplicité était inscrite dans le mythe peut-être. Comme Rachel Grey l’explique elle-même au Beyonder dans le UXM #203, il est « la totalité de la vie et de toutes ses formes et de toute sa gloire ». Le Beyonder est battu par le Phénix car il ne peut tolérer son énergie (classic move : plutôt que de conserver le pouvoir pour vous, vous en gavez votre adversaire jusqu’à l’indigestion). Le Phénix est plus puissant que le Beyonder, parce qu’il est la somme des individualités particulières, et de leur mort.
La dernière phase que j’évoque est celle du Avengers vs X-Men qui se clôt par l’apparition de cinq Phénix au lieu d’un. Alors beaucoup ont critiqué cet arc, mais le climax des cinq Phénix ne m’est pas apparu nul du tout. D’un coup, tous les X-Men semblaient pouvoir diriger et améliorer le monde. Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un.
Hope Summera refuse dans un premier temps le pouvoir du Phénix. Elle a parfaitement retenu la leçon de Jean Grey, ou de Rachel (qui a l’époque avait fusionné et abandonné son pouvoir pour faire revivre Brian Braddock). Par conséquent le Phénix s’est redistribué entre Cyclope, la Reine Blanche, Colossus, Magik et Namor (UXM vII #13). C’est dans ce même épisode que Hope demande à Unit, l’androïde super-intelligent qui a traversé tous les mondes pour assouvir sa seule soif de connaissance, ce qu’est le Phénix. Plutôt que de préparer une craie et un tableau noir pour résoudre des équations avec elle, il lui explique l’histoire même du Phénix, qui se répète dans chaque monde.

« Je suis une créateur de science dans un univers qui s’en moque régulièrement. (…) Si Hope est capable d’équilibrer les énergies et de fusionner avec… tout change. – Comment savez-vous ça ? – C’est juste une théorie. Je n’ai que des informations limitées. J’ai voyagé pendant longtemps et j’ai vu seulement quelque chose d’approchant il y a un milliards d’années environ. J’avais traversé l’un de ces mondes supernaturels et remplis de vices, gouverné par une lignée de seigneurs démons qui craignaient par dessus tout le progrès. Ils avaient jeté un sort pour freiner toute forme d’évolution. Et ça marchait. Pour un temps. Puis un messie a surgi. Après cela, elle a trouvé cinq acolytes. Chacun avait un lien avec elle qui allait au-delà des mots. Leur loyauté était ancrée dans leurs esprits. Elle promettait la délivrance. Et à la fin, le Phénix arriva. Malgré la persévérance des seigneurs démons pour les arrêter, l’élu et les cinq autres parvinrent à communier avec le Phénix. Son pouvoir fut libéré. Et le Phénix détruisit l’incantation soi-disant invulnérable des démons. Le changement reprit. Et les seigneurs démons partisans de l’immobilité furent balayés… »
Du point de vue de The Unit, c’est-à-dire de la machine geek ultra-fan du Phénix, le Phénix est d’abord un récit, du romanesque qui hante le mythique pur. The Unit d’ailleurs ne partage ces informations aux jeunes acolytes de Hope Summers que pour tenter de proposer une alternative à ce récit : plutôt que de concentrer les pouvoirs en un, the Unit aimerait les voir partager en cinq. Pour empêcher le scénario habituel, il va convaincre Hope de refuser la force du Phénix, et faire battre ses amis par Danger. Hope a bien compris qu’on peut sacrifier les personnages pour une bonne histoire. D’une certaine façon, le grand méchant de ce cross-over est The Unit, celui qui veut voir quelque chose d’autre, juste pour savoir à la fin si comme le disait Snake Plissken à la fin de Los Angeles 2013 : « plus les choses changent, plus elles restent les mêmes. »
Richard Mémeteau