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"Je jouis donc je suis..." : Le cinéma pornographique de J. Servois.

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    freakosophy
  • 20 août 2010
  • 12 min de lecture

Les derniers livres de philo sur le porno étaient affligeants.

Ruwen Ogien mis à part, nos universitaires rataient totalement leur objectif. Ils ne parlaient pas du porno mais de leur dégoût du porno. Toute néo-kantienne qu'elle pouvait être, M. Marzano adoptait un point de vue passionnel. Et sa passion nous criait bien fort que le sexe c'était du mystère... "La chambre fermée, et la lumière éteinte, s'il vous plaît, et surtout attention à ne jamais prendre de plaisir pour soi seul !" Baiser sous la menace de l'impératif catégorique de Kant, il fallait l'oser.


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Affiche de la version américaine du film - source.


Autre moraliste avisé, notre philosophe M. Dubost avait écrit un livre socio-philo dissertant sur l'air du temps. Le grand philosophe, interrogé par GQ (!), y va de son petit laïus sur la banalisation de la pornographie, de la pratique anale, de la violence sexuelle et des ébats sexuels filmés – oui, tout ça mis ensemble ! parce que le porno est si laid, qu'en s'en tenant à distance, il finit par devenir indistinct et compact. Ecoutons-le le temps de quelques phrases, histoire d'avoir une idée de l'étendue du désastre : "Face aux discours performatifs sur la sexualité, les individus se perdent dans une quête de "désirs vains" qui traduit une grande instabilité de leurs véritables désirs intimes. Ils stimulent à tout prix leur imaginaire, hier avec le Kama-Sutra, aujourd'hui avec la pornographie, mais sont implacablement rattrapés par la lassitude." Vous avez bien compris, les indiens qui lisaient le Kama Sutra et la pornographie c'est la même chose ! Et le Kama Sutra comme le porno n'aboutissent qu'à un résultat : donner des mauvaises idées aux bons pères de famille (un double gode pour sauver votre couple ?) et surtout... les plonger dans un océan d'apathie dépressive et de poignets enkylosés, d'où il ressort la conviction que la vie ne vaut pas tripette. Conclusion : tout le monde est naze, lassé, fatigué, irrémédiablement condamné au va-et-vient du désir. Les lecteurs de GQ qui ont raté quelques cours de philo en terminale pourront rattraper leurs leçons ici. Ceux qui voulaient un propos précis sur le porno et le cinéma repasseront.

Ce sont les mêmes attaques ignorantes et bâclées qui font que Ruwen Ogien ne parle pas du porno, mais s'attarde uniquement à déconstruire ces attaques moralisatrices (et c'est très amusant : Penser la pornographie, ou Ethique Minimale). Et pendant ce temps-là, toujours personne pour parler du porno, qui est pourtant supposé envahir le monde.


Rappelons que selon des chercheurs de l'université de Berkeley pour le département de la Justice, la pornographie n'occupe réellement qu'1,1% des pages web... on pouvait faire mieux en terme d'urgence et d'épidémie pornographique.



Qui pouvait à la fois remettre de l'ordre dans ce désespérant cloaque conceptuel tout en proposant de vraies bonnes analyses de films pornos ?


Un prof de philo esthète, honnête et courageux, remplit parfaitement le programme fixé. Avec son livre sobrement intitulé Le Cinéma pornographique, Julien Servois mériterait de se faire inviter à toutes les sex parties queer de la capitale.

Ces 150 pages percutantes et claires ne nous viennent pas de n'importe quel éditeur puisque c'est Vrin en personne (et en feuillets), plus précisément la collection "Philosophie et Cinéma" qui publie cette petite perle. Ce qui signifie que Vrin assume parfaitement des analyses post-porn aussi freakosophiques que :


"L’idéal hétéro de la trans c’est bien Tiffany Hopkins avec la bite à Rocco, la superbombe qui en plus a un pénis, comme s’il fallait d’urgence oublier qu’il s’agit là de mâles supplantés de seins en silicones et bourrés d’oestrogènes ! On voit ici comment opère la puissance d’exclusion-inclusion de la norme : elle stigmatise la monstruosité tout en lui donnant un visage acceptable (pour le dire crûment, l’hétérobeauf moderne veut bien se faire enculer, mais pas par un homme s.v.p.) "


On va me dire que voulant défendre Julien Servois, je cite un passage qui le condamnerait... Justement non ! Ce n'est pas un point de détail. Julien Servois talks dirty. Notre auteur n'hésite pas à être vulgaire (aucune bonne vanne de cul pour rebondir – c'est fait exprès). Car ce ne sont pas les joliesses qui sauveront l'analyse, mais bien le contenu. Et le contenu est là, précis, synthétique sur les points théoriques, et si efficaces que c'est immédiatement réutilisable dans un dîner en ville avec vos potes qui viennent de lire les Inrocks spécial Sexe. La vulgarité de la langue ne serait pas assumée, on aurait eu le droit à 150 pages d'euphémismes fallacieux pour parler d'un objet dont l'essence est de susciter un regard obscène. Aucune analyse sérieuse ne peut naître si elle refuse d'appeler "bite" une bite et "cul" un cul. Un ami m'a rappelé récemment que Magritte avait dessiné une version explicite de "Ceci n'est pas une pipe", où la pipe prend une forme de pénis. De la même façon, un universitaire qui crierait devant un porno "ce n'est pas une bite mais un pénis en érection !" trahirait aussitôt son implacable ignorance de la chose et son parti pris moralisateur. Il est probable qu'après tous ces coups d'édition (Marzano était même allée jusqu'à interviewer Ovidie pour soi disant lui donner la parole – tout en revenant sur l'interview après pour interpréter les propos de la réalisatrice), il n'y avait qu'un esthète sincère pour risquer de parler sérieusement et franchement du porno, quitte à se faire une mauvaise réputation. Encore une fois, il est assez fou de voir à quel point sur un sujet pourtant simple, les universitaires autorisés se sont cassé les dents, et ont été amenés à caricaturer les philosophes qu'ils utilisent eux-mêmes (Foucault, Bataille...).


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un vrai dépucelage conceptuel !


En ce sens, le premier chapitre de J. Servois fait l'effet d'un grand bol d'air purificateur. Il revient sur les arguments des pornophobes pour les critiquer minutieusement – et napalmer toute manipulation intellectuelle à des fins moralisatrices. D'une part les arguments féministes qui voient dans la pornographie le modèle de toutes les oppressions à l'égard des femmes, et d'autre part, les arguments des partisans d'une sexualité authentique, qui voient dans la pornographie un affadissement mercantile. Les références sont contemporaines et anglo-saxonnes en ce qui concerne les arguments féministes (Servois revient en particulier sur l'utilisation d'Austin par McKinnon). L'auteur ne pouvait pas ignorer ces batailles outre-Atlantique tant elles ont influencé certains modes de censure au Canada ou aux Etats Unis. Mais le climax théorique est atteint lorsque le point est fait sur la résistance française.


Nous autres, européens, critiquons la pornographie parce qu'on ne supporte pas de voir la vraie sexualité dévoyée à des fins capitalistes ! Servois cerne très bien ce point commun des critiques français dans le délectable petit intertitre "Bataille et les canailles". L'expérience érotique est une expérience de violence sublime, écrivent nos "canailles". Et on ne peut pas montrer cette sublime violence du sexe sans aussitôt la trahir, la mettre en scène sans aussitôt l'objectiver, la fragmenter, la dénaturer. Or ce que les pornophobes déplorent au nom de Bataille est précisément ce qui définit l'érotisme selon Bataille, ce qui fait que la vie est une violence sublime : c'est-à-dire son obscénité, l'objectivation nécessaire de l'objet désiré, sa négation (oui, car nos pornophobes avaient oublié que pour Bataille, la vie n'est pas qu'un jaillissement tranquille de bonheur et de création – c'est aussi, et surtout, une négation).

Servois corrige magnifiquement Marzano sur ce point (et sur l'amalgame qu'elle opère entre loi et interdit !) : "dans la mise à mort, dans la décomposition du cadavre, comme dans la convulsion érotique, l’intégrité du corps est niée : il s’ouvre, il renonce à s’unifier, et laisse libre cours au flux vital." Bref, c'est bien la "vie libre de la chair" qui fonde cette expérience érotique et la rend si épuisante et dangereuse (sacrée et interdite pour cette raison – en ce sens, le seul tort du porno est d'être sorti du temple, et non d'y être entré). Et c'est cette "vie libre de la chair" que montre le porno. Julien Servois critique très justement la façon dont une certaine philosophie (et une vulgate critique remontant à l'article "Le sexe froid" d'Yann Lardeau) a fait endosser au porno le mythe d'un degré zéro de la représentation (c'est-à-dire d'une obscénité radicale) afin de le disqualifier (puisque toute représentation appelle une mise en scène). Dans le même élan, Bataille s'est fait instrumentaliser et moraliser pour justifier de ne rien représenter d'obscène, quand bien même l'érotisme bataillien serait obscène.


La position des pornophobes pèche d'abord par une méconnaissance de la diversité du cinéma porno. Et c'est le rôle du deuxième chapitre que de montrer comment le porno a systématiquement déconstruit ce mythe d'une monstration absolue du sexe. Les films des années 70 font pulluler les personnages de savants fous, de sexologues azimutés ou de dandys experts en jouissance partant à la recherche d'un mystère féminin indicible (cf. la très belle analyse de Misty Beethoven, de Radley Metzger). Et tout ce qu'ils retirent de cette quête sont leurs propres tribulations porno-comiques, et leurs propres désarrois face à ce qu'ils savent ne pas pouvoir montrer. Au lieu de se vautrer dans le réel, comme accusent les pornophobes, les pornographes travaillent un genre, que Linda Williams (il faut lire Linda Williams nous répète Julien Servois) n'hésite pas à rapprocher du musical (comédie musicale).


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Tout genre se construit autour de classiques - source.


C'est inédit mais absolument pertinent. Le musical comme le porno proposent un récit et une séries de numéros (ou scènes pornos) dont il faut justifier l'apparition au sein de l'histoire principale. Tout comme le musical, trois méta-récits naissent pour expliquer comment le porno pourrait survenir dans le récit – trois méta-récits qui sont également trois façons d'envisager la sexualité. Soit (1) les scènes pornos sont évoquées comme purs fantasmes, pures utopies "séparées" (là encore, très belle analyse de Behind the green door, des frères Mitchell) ; soit (2) elles jouent un rôle narratif au sein d'un récit initiatique (Misty Beethoven) – et le film se finit alors sur une scène qui est une scène d'amour, réconciliation du sexe et des sentiments – l'utopie est alors "intégrée" ; soit (3) la pornotopie est totalement "dissoute" dans la "vie réelle" ou comme le dit Linda Williams : « Il n’est plus nécessaire de s’évader de la réalité décrite dans le récit : la pornotopie est presque achevée » et Julien Servois d'analyser Insastiable de Godfrey Daniels (où le "more, more, more !" du personnage féminin n'est plus signe de frustration ou de nymphomanie mais affirmation de son pouvoir sexuel).


Le troisième chapitre revient sur ce qu'habituellement tout le petit monde qui écrit autour du porno déplore : le triomphe économique inéluctable du gonzo. Trois caractéristiques sont habituellement données qui précisent l'emploi de cette étiquette. Le gonzo est mal filmé, sans histoire, et souvent axé sur des pratiques fétichistes ou extrêmes (effet de la fragmentation du marché du porno en autant de niches spécialisées : femmes mûres, latinos, golden shower, gang bang etc.). Julien Servois se défait vite de cette étiquette malhabile et préfère une analyse de deux gonzos en particulier : Buttman de John Stagliano, et Decadence, d'Andrew Blake, des gonzos assez malins qui prouvent à quel point il est possible de déconstruire cette prétention à rendre visible l'invisible du sexe.


Mais soyons honnêtes, à la lecture, il y a clairement un film qui a les faveurs de notre esthète et de l'analyse philosophique. C'est le Buttman de John Stagliano. D'un gonzo, on dit généralement qu'il a très clairement la prétention de filmer le réel, en raison notamment de la surexploitation de la caméra subjective. Mais c'est le contraire qu'opère John Stagliano, puisqu'il produit un gonzo qui mêle fiction et réalité. Son gonzo est une autofiction. Il ne joue pas son propre rôle mais il incarne un certain John Buttman, acteur porno fauché et obsédé par "les culs ronds et bien remplis", obligé de tourner des vidéos au Brésil et d'accompagner une actrice porno qui veut y prendre des vacances. Le film de Stagliano affiche deux points forts : on en a fini avec l'exploration du mystère vaginal, on reste à la surface... on observe des culs superbement rebondis filmés par notre étalon en pleine action. Le film est également plus excitant que bon nombre de pornos surproduits. Paradoxalement, cette façon de filmer génère des "effets de réel" qui n'en sont pas vraiment puisqu'ils n'ont qu'un but : être excitants. Stagliano le confesse lui-même : un de ses objectifs est de rendre sexys et naturels des regards caméra. Enfin, son film n'est pas dénué d'humour puisque les scènes sont entrecoupées de moments de purs et simples films de vacances (où la caméra glisse toujours doucement vers de nouveaux culs), et parfois conclues par des scènes cocasses (le jeune brésilien qui vient de prendre l'actrice porno en levrette est effondré quand il apprend qu'elle est une actrice porno). Face à ce genre de film, percer l'essence même du désir féminin n'est plus le problème. C'est au contraire un jeu parodique qui s'installe, annonçant les heures du post porn queer.



Le dernier chapitre traite très logiquement du post-porn. L'angle de Julien Servois est ambitieux et tout à fait juste : le post porn est le lieu de pratique par excellence des théoriesqueer. Si les queer theories veulent faire émerger une autre vérité que celle d'un genre construit par une hétéronormativité étouffante, ce sera dans ces post-porn qu'on pourra la trouver. Loin de toute complaisance, la sentence de notre auteur à l'égard d'un post-porn purement fétichiste est sans appel (tout comme celle prononcée avec raison contre la fausse émancipation promise par les Suicide Girls). Comme le passage cité plus haut le dit déjà, à propos des freaks en botox des sites de gonzo, il n'y a rien à dire si ce n'est qu'ils participent à la même éternelle oppression des normes (les freaks retenus sont tous beaux et ethniquement homogènes). Julien Servois tient bon sur un point : l'objet compte moins que la façon dont on le filme, car on parle bien ici de cinéma.


Là, le livre se révèle tout à fait utile, puisque pour comprendre ce mécanisme de normalisation, et pour arriver à distinguer fausse émancipation et vraie subversion, notre auteur n'entreprend rien moins que de balayer tout le champ des "sex wars" en quelques dizaines de pages. Une dizaine de pages extrêmement précieuses et complètes que devraient immédiatement ingurgiter les machos inquiets de la dévirilisation des mâles, et qui se trouvent indirectement mis au défi de produire autant de complexité dans leur propre discours.


Sans rentrer dans les détails, contentons-nous de dire ici que les "sex wars" (depuis les années 70 à aujourd'hui) ont permis de rendre deux idées plus courante :


(1) on peut découpler le genre (féminin/masculin/etc.) de la sexualité (homo/hétéro/bi/etc.) : je peux être un homme hétéro qui aime se faire dominer par une femme, ou une lesbienne dominatrice qui entretient une conduite sociale extrêmement féminine). Ce premier pas conceptuel est présenté à travers le lesbianisme séparatiste de Monique Wittig des années 80. Toute définition du genre (toute définition de soi comme femme ou homme), selon Wittig, est "contaminée" par une relation de pouvoir. La véritable libération consiste donc à adopter une sexualité hors genre, ou comme l'appelle Julien Servois pour bien montrer le sens utopique d'une telle position : une "sexualité hors sexe". En critique et héritière du féminisme marxiste et du gender fucking de Wittig, Judith Butler tient quant à elle une position beaucoup plus prudente et relativiste (elle est sans conteste la grande gagnante des "sex wars").


(2) L'utopie séparatiste de Wittig doit laisser place à une conscience aiguë de la précarité de toute identité. Il n'y a pas de "sexualité hors sexe", il n'existe aucune identité authentique (de vraies femmes, de vrais transgenres, ou de vrais gays), pas plus qu'il n'existe de pouvoir absolu. Servois montre très justement que l'aboutissement "queer" des "sex wars" est de ne plus espérer, de ne plus croire à une utopie de perpétuelle création d'identités, ni à une hétéronormativité absolue. Seule compte désormais la performativité des identités en transition que nous incarnons.


Et c'est pour cette raison que le post-porn est si important. Le contenu compte moins que la qualité de la performance. Avec ce dernier chapitre, nous ne sommes plus tout à fait dans l'histoire du porno comme genre, mais à la pointe extrême de ce genre, où l'utopie pornographique devient performative d'identités en transition. Si le genre réussit, c'est une utopie politique qui naît. Deux films sont analysés : One night Stand d'Emilie Jouvet, film souvent décrit comme le premier porno queer français, et Elegant Spanking de Maria Beatty.


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Un trophée mérité par One night Stand d'Emilie Jouvet


Elegant Spanking est un film S/M qui permet d'insister assez classiquement sur les jeux de rôles et sur l'aspect le plus inquiétant des queer theory, à savoir que ce jeu de rôle n'affirme aucune identité – on est dans le domaine d'une sexualité qui se dégénitalise et réaffirme selon Servois les utopies de "sexualité hors sexe" de toute la tradition Bataille, Foucault, Wittig. Le film d'Emilie Jouvet suit plutôt le versant butlerien : celui de "l'éclat de rire parodique" (bien qu'on ne pense pas vraiment à un "éclat de rire parodique" quand on lit ou voit Butler...). Mais par la forme de son dispositif et l'énergie de ses actrices, ce film est un post-porn réellement réussi, et pas parodique du tout. Le dispositif consiste à enregistrer les ébats de sex-players (on ne prédéfinit pas leur sexualité ou leur genre). La réalisatrice se laisse la possibilité de monter et de garder ce qui lui plaît. C'est avec cette analyse que Julien Servois laisse le plus penser qu'il voit autre chose dans ce versant des gender theories. Les scènes de sexe sont certes de véritables affirmations d'identités en transition (souvent de lesbiennes transgenres), mais il ne s'agit plus de parodie. Car il y aussi une donnée nouvelle : du plaisir. On touche à quelque chose qui paraît réel, aussi éphémère soit-il. "Je jouis donc je suis..." la formule est de Servois. N'y a-t-il pas dans le porno, à ce niveau-là de performativité, une fascination pour autre chose qu'une performance ou qu'une représentation utopique ? Et n'est-ce pas dans ce cas le plaisir qui conditionne toute pratique politique de la performance identitaire ?


Richard M.

 
 
 
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