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ARGGGHHHHH ! : Ce qu’inspire la dernière saison de Lost

  • Photo du rédacteur: freakosophy
    freakosophy
  • 23 mars 2010
  • 6 min de lecture

On avait annoncé qu’enfin – tels des gravitons supposés disparaître dans une autre dimension – parmi tous les futurs possibles de Lost, un seul serait conservé. On regardait encore la saison 6 parce qu’enfin les brouillards opaques de l’île seraient dissipés, et qu’enfin la raison ultime de ce labyrinthe serait exposée. On savait qu’enfin il devait y avoir un choix clair : La bombe explose ou la bombe n’explose pas.


!! Attention, un spoil gros comme un tsunami arrive… !!


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La série géniale ne tranche en rien. Mais cette fois-ci son génie a un coût. Il n’est plus possible de nous faire regarder six saisons pour nous dire finalement : « hi hi hi, c’est moi la série addictive, regardez comme je suis géniale parce que justement je déçois votre attente. » Lost brûle l’herbe derrière elle et ne laissera rien repousser avant longtemps. Et il est à parier que la tendance Heroes, qui se veut clos et explicatif, s’accentue nettement (malgré une fin de saison 3 particulièrement ratée encore une fois). (Notre première prospective gratuite)


Avant de redire que c’est quand même génial. Avant de suggérer abusivement que toutes les séries américaines ont sans exception un problème pour conclure. On va se faire le plaisir de spoiler le début de Lost. Au problème antique du futur contingent : « la bataille navale aura lieu demain ou n’aura pas lieu » (question d’Aristote), « la bombe explose ou n’explose pas » (question de J. J. Abrams), Lost répond que les deux futurs sont réels simultanément (et pas seulement dans l’intellect d’un dieu parfait qui choisira par la suite le meilleur des mondes possibles). Contre Diodorus Cronus, contre Aristote et contre Leibniz, les scénaristes de Lost rendent possibles après eux des scenarii où les films ne trancheraient plus, et superposeraient les deux fins réelles. Prions un instant du fond de notre canapé. Est-ce que ce ne serait pas grandiose ?! Un film qui, progressivement, fait exister simultanément toutes ses dimensions. Plus ambitieux que le Hasard de Kieslowski, plus dangereux que les contes moraux à la « Un jour sans fin », plus expansionniste que tous les multivers Marvel réunis… Mais retournons à notre spoil.


Lost-explosion.jpg


Début de la saison : gros plan sur l’œil de Juliet. La bombe explose, mais elle ne tue personne, au lieu de ça, une nouvelle dimension naît, où les passagers de l’Oceanic 815 ne se sont jamais crashés. Inédit, bizarre, génial, ou pur suicide scénaristique… ?


En répercussion à ce début étrange, un autre phénomène étrange se produit devant l’écran, dans le cerveau du spectateur, où là aussi deux présents se superposent simultanément… A la fois on se dit : « merde j’avais pensé à tout sauf à ça » ; à la fois on commence à douter de l’intérêt de la dernière saison. Car cette nouvelle dimension est chiante. A la façon d’une sauvegarde de jeu vidéo, ce qui se passe sur l’île compte désormais aussi peu que ce qui se passe dans cette dimension bis. Et les intrigues se multiplient comme pour masquer la folie de ce « nettoyage par le plein » qu’est le début de la saison. Du plein sur du plein. On pourrait être heureux si seulement il y avait aussi plein d’explications. Mais nada. Et ces nouvelles intrigues sont encore plus chiantes, et les nouveaux personnages aussi inutiles et mystérieux.

Devant ce bordel, on a envie de crier comme un enfant, et d’avouer qu’on n’est pas un spectateur assez mûr peut-être pour supporter autant d’incertitude. Peut-être les scénaristes de Lost écrivent-ils pour la postérité… ? Mais on se console. Car les personnages semblent aussi désespérés que le spectateur : Sawyer se casse en se disant qu’il n’en a rien à foutre de tout, Jack déprime, Hurley suit Jacob sans savoir pourquoi, Ben ne croit plus en rien et déprime aussi, Sayid plane… Et Locke… n’est plus Locke. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours le sentiment que dans ce cas-là il y a une mise en abyme inconsciente du désarroi des scénaristes eux-mêmes. Car les personnages encore plus que d’habitude se répètent les phrases creuses des mélo US : « crois en moi », « non ! aie foi en toi », « argh, je ne peux plus te faire confiance », « eh, mais… tu me faisais confiance ? » « Et moi qui avais confiance dans ta foi ! »... La seule foi qui reste à activer est bien sûr celle du spectateur déçu, du fan inquiet. Jack en est quand même à se dire qu’il est revenu sur l’île uniquement parce qu’il n’arrivait pas à être heureux avec sa super copine Kate. A ce niveau de psychologie dans les scenarii, je crois qu’il suffira de dire d’un personnage qu’il est déprimé pour lui justifier n’importe quel coup de théâtre. Jack Bauer est déprimé alors il devient clown pour les enfants malades dans les hôpitaux. Dexter est dépressif alors il se met à animer un talk show sur les problèmes parentaux…


lost-carte.jpg


Mais revenons juste un instant sur nos hypothèses précédentes, avant de conclure notre cri d’agonie. On pensait que la série allait développer une longue tragédie où les personnages mettraient en boucle temporelle leur propre malheur. On s’est planté. Mea culpa (A moins que dans une autre dimension, en même temps, notre hypothèse se soit réalisée)… Mais on peut maintenant entamer une analyse vertigineuse... Lost se transforme en série polyphonique interdimensionnelle, où les personnages résonnent d’un présent possible à un autre. Ce qu’il est amusant de constater aussi c’est qu’on peut penser que, depuis le début, les flashbacks de la saison 1 à 3 ne concernaient pas les personnages qu’on connaissait, mais ceux de la dimension qui vient d’apparaître, les Jack, Kate et Sawyer de la saison 6 (relisez plusieurs fois la phrase pour être bien sûr de la comprendre). Eh oui ! A l’exception des flashforwards de la saison 4 et des sauts temporels de la saison 5, tous les autres flashbacks, c’est-à-dire ce procédé si étrange d’écriture, trouveraient enfin leur raison d’être : ils deviennent communs aux deux réalités. Comme on l’avait du reste un peu souligné nous-mêmes (oui oui oui), ces flashbacks sont bel et bien une réalité simultanée au récit, une sorte de voyage dans le temps instantané – et non une simple béquille de scénariste.

La surprise de découvrir cette solution était géniale, mais le puzzle ainsi résolu l’est-il ? Franchement, à l’heure où l’on écrit ces lignes, on n’en sait trop rien. Il faudrait maintenant que les personnages trouvent un but, et non simplement découvrir qu’ils sont « candidats » (aux élections régionales ?), ou « gardien » d’une île (ou de l’identité française ?). Faire d’eux les simples jouets de deux dieux qui s’affrontent est une idée plaisante, mais là encore, elle repose sur le sacrifice des personnages. Car au fond, changer ou ne pas changer, partir de l’île ou y rester, tout cela semble assez indifférent pour les personnages puisque quoi qu’il en soit, ils ont déjà tout perdu.

Serions-nous, nous aussi, aussi déprimés qu’un Sawyer ou qu’un Ben machiavélique ? Non. Fidèle à notre arrogance de fan qui veut s’accaparer le jouet derrière la vitrine, nous allons écrire la fin de Lost.



Lost-finale.jpg


Ce qui serait génial désormais, c’est que les personnages soient condamnés à mourir un par un. Que chacun prenne conscience du ratage intégral qu’est leur vie, qu’ils se suicident ou se sacrifient héroïquement. Et alors, le spectateur se rendrait compte que leur mort signifierait en fait le transfert de leur mémoire dans ce présent bis, un peu comme les sauts et réintégrations de conscience de Desmond Hume dans la saison 3 (de toute façon, il est impossible de revenir sur la création de cette dimension sans Oceanic 6). Ainsi, au fur et à mesure de leur disparition, Jake, Kate et Sawyer donnent l’occasion à leur double dimensionnel d’acquérir un regard neuf, et de changer quelque chose dans leur vie (pourrie à L.A.) – ou au contraire de conserver la direction qu’elle a prise. L’image de fin qui nous amuserait beaucoup donnerait à voir les personnages de la nouvelle dimension se retrouver par hasard un par un, dans une cafét’ ou un restau thaï. Tous se reconnaîtraient les uns les autres… Jack reconnaîtrait Kate, Shanon reconnaîtrait Sayid, Sawyer reconnaîtrait Juliet, et Locke reconnaîtrait Boon… Mais tout en se reconnaissant, ils n’arriveraient pas à saisir le souvenir lui-même de leur rencontre dans une autre dimension. Bref, le message serait que cette île n’a que ce rôle, minime et gigantesque à la fois, de changer le présent, en sacrifiant nos propres doubles dimensionnels. Comme si chaque acte libre engageait la véritable mort d’un de nos doubles.



Richard Mémeteau

 
 
 
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