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Les comics impossibles

Il y a des impossibilités dans tout comics. Par nature, ils naissent d’un pacte consistant à accepter le merveilleux, le « marvel », ou le « super » : en l’occurrence, l’existence de super-héros. Mais il y a différentes impossibilités : de petites incohérences locales, et de belles incohérences globales. Certaines incohérences relèvent directement de l’application de ce pacte – et mettent le lecteur à profit –, les autres concernent la forme même de merveilleux acceptable – et font évoluer le lectorat.


Perdons-nous tout de suite dans la profusion bigarrée des exemples. Dans les premiers Superman, le ressort narratif est présenté sous la forme d’un petit problème logique : comment Superman peut-il encore opérer s’il a une tête de lion ? Qui des deux Supermen est le bon Superman ? On oublie aujourd’hui que bien avant la mode des combats violents (en partie instauré par Jack Kirby), les comics devaient justifier d’un but pédagogique pour ne pas tomber sous le coup du Comics Code Authority (toujours efficient aujourd’hui pour les séries jeunesse). En somme, le merveilleux ne doit faire irruption trop violemment, car le code de censure avait des principes très stricts pour prévenir la corruption des têtes blondes de 1950 . Plus généralement, face à un ennemi, les héros – et le lecteur, n’oubliez pas, tout ceci est très « wiki » – doivent se demander comment (et non pas pourquoi) on en vient à bout. Suffit-il, par exemple, contre Magnéto, le « maître du magnétisme », de se lancer toutes griffes d’acier dehors, faut-il lui ouvrir les bras et le couvrir de baiser, peut-on le détruire seul et torse en avant, ou les X-men ne doivent-ils pas plutôt faire équipe pour enfin ruiner l’horrible peinture violette de son casque ?


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Dans les années 80, ce sont d’autres problèmes qui se sont posés aux super héros, en partie sous l’influence d’Alan Moore – en partie seulement, parce que le genre s’épuisait sans conteste de lui-même et appelait un renouvellement nécessaire. Cette fois-ci, les problèmes posés attaquaient le cœur même de la définition des comics de super-héros. Le lecteur devait faire face à d’autres questions : ces surhommes ne sont-ils pas plus néfastes que bénéfiques ? Qui peut les empêcher de détruire la Terre s’ils sont effectivement au-dessus des autres hommes ? Quelle folie peut pousser un homme à penser pouvoir sauver le monde ?... Paradoxalement, ce n’est plus Marvel – qui se présentait un temps comme plus adulte que son concurrent DC – mais bien DC qui attaque ces nouvelles problématiques. Marvel avait fait entrer le comic dans une nouvelle ère en enveloppant de monstrueux ses nouveaux héros – le genre fantastique est alors la veine éditoriale de Marvel dans les années 60 – mais aussi en approfondissant leurs états d’âmes en empruntant au genre si spécifique du love comics – dont Kirby est l’initiateur. Si le monopole du merveilleux revenait à Marvel, les thématiques de l’héroïsme, de l’affrontement entre Bien et Mal concernent davantage DC, et c’est donc naturellement de côté que le manichéisme originel s’est changé en angoissant relativisme moral.


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libérateurs ou oppresseurs ? - source.


Pour résumer ce double régime de croyance, on pourrait emprunter quelques concepts de l’épistémologie de Lakatos – c’est plus rapide que d’aller à la boulangerie et ça tient mieux au corps : il y a d’un côté une « heuristique négative » (la recherche de la vérité procédant par renforcement d’un noyau dur de croyances qu’on ne peut pas remettre en cause), et de l’autre une « heuristique positive » (l’application d’un programme de recherche de la vérité). Le premier ensemble de croyance est acceptée si fanatiquement que la moindre retouche suffirait à faire s’effondrer l’édifice entier, suscitant une quasi-dépression. Si par exemple on apprenait un jour, à un jeune fan innocent, que Captain America portait, sous sa jolie côte bleue étoilée, des dessous en soie et qu’en plus il tournait dans les films d’Ed Wood déguisé en femmes, il est probable qu’il ne lirait plus jusqu’à la fin de sa vie que des comics scénarisé par Grant Morrison (paranoïa, sexe et héros mystiques au programme). Blague de fan. Pardon. Le deuxième ensemble de croyances est ouvert – parce que conservateur en ce qui concerne son noyau dur – et ne demande qu’à être testé encore et encore par tous les scénaristes de moyenne extravagance.

Les premières incohérences doivent donc être acceptées comme telles, alors que les incohérences consécutive à un merveilleux consenti, elles, doivent être corrigées et résolues par le fan (pourquoi tel personnage apparaît alors qu’il est censé être mort il y a trois épisodes ? Pourquoi tel héros est plus fort que tel autre ? etc.), leur donnant ainsi l’impression de participer à l’élaboration même de l’univers qu’ils adorent.


Génialement, Marvel dans les années 60, décernait des No-Prize aux fans qui décelaient les diverses erreurs dans leurs publications. Habile technique de communication, car ce faisant, l’erreur narrative elle-même, pouvait se changer en plaisir de pointer l’erreur. Et le fan, en la corrigeant, avait l’impression de faire partie de la grande famille des scénaristes chevronnés de Marvel – car le prix n’était pas seulement décerné à celui qui voyait l’erreur, mais à celui qui proposait aussi une solution acceptable à cette erreur. Etait-ce si génial ? Cas typique des années 80, cité par Bob Harras lui-même (éditeur en chef chez Marvel entre 1995 et 2000) : un lecteur faisait remarquer que les lunettes de Wonder Man, cassées par Hulk après un combat, redevenaient comme intactes au strip d’après. Un lecteur propose donc la solution débile suivante : Wonder Man portait en fait une pair de rechange dans son costume. Les no-prize, qui tirent leurs noms de la contraction ironique de « nobel prize », sont en apparence une idée moderne, puisque participative et diablement « wiki ». Mais la qualité de lecture s’en ressent immédiatement. Car le lecteur ne passe du temps à vérifier les couleurs du costume de Captain America que s’il sacrifie son propre intérêt esthétique pour les comics. Néanmoins cette idée éditoriale est sans conteste avant-gardiste pour l’homme d’aujourd’hui qui se demande comment peut fonctionner l’infosphère 2.0, et quelle désimagination elle peut susciter. La formule généralisable arbitrairement est simple : le prix à payer pour être participatif est ne plus être imaginatif – puisque la participation ne se construit que sur un noyau dur de croyances par définition conservateur.


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Il y a donc plus que tous les mystères de costumes et de collants – celui de Superman qui n’est presque jamais égratigné, ou de Flash qui ne s’use jamais sous l’effet des seuls frottements, ou ceux des 4 fantastiques dont d’amusantes vignettes rappelait l’inadéquation avec les différents pouvoirs d’invisibilité, d’enflammement ou d’élasticité. Il y a plus encore que les comparaisons folles entre les pouvoirs des super-héros, ou que les résurrections automatiques… On voudrait mettre le doigt sur les incohérences inhérentes à la simple existence des super-héros – et qui sont plus rarement soulignés par les fans, car cela remettra en cause l’intérêt même des comics. Car paradoxalement, l’« univers » des comics – puisqu’on parle d’univers Marvel ou DC, d’après les deux grands noms de l’édition américaine – repose sur certains postulats jamais remis en cause. Si bien qu’on pourrait dire que ce qui compte est moins à quel point un monde de super héros est « super ». Mais plutôt dans quelle mesure un monde de super-héros, pour qu’il y existe, ne doit pas être super.


On a encore deux raisons de se poser ces questions :

D’une part, ce sont ces nouveaux problèmes qui sont enfin soulevés par les derniers opus de DC ou Marvel, ou par des séries censées renouveler le genre, comme Heroes. Notons juste que les deux grande maisons d’édition, après avoir (1) rendu obligatoire que le bien triomphe du mal (cf le troisième paragraphe du Comics Code Authority), puis (2) montrer dans les années 80 que triompher du mal suppose d’en prendre en soi une partie, tente (3) en ce moment, en 2009, de faire triompher le Mal lui-même. Dark Reign (Marvel) ou Final Crisis (DC) misent toutes deux sur l’enfin-et-très-attendue pâté que les super-vilains vont infliger aux super-gentils. Sera-ce réussi… ? Nous verrons. Mais ce qui se passe en ce moment est crucial, car c’est le succès de la remise en cause de l’« heuristique négative » du genre comics qui est en jeu.

D’autre part, c’est surtout en tant que fan, et parce que le genre comics est maintenant constitué, qu’on peut exiger qu’il se mette en face de ses limites, et qu’il soit questionné comme genre. La question qu’on pose en substance est celle-ci : si nous résolvons ces incohérences globales, quittons-nous le domaine du genre pour rejoindre des histoires finalement classiques et ordinaires, ou offrons-nous une occasion à un genre de refonder les histoires classiques ? Ou plus simplement, pourquoi l’histoire d’un mec, qui tire des lasers par ses yeux, tombant amoureux d’une fille, qui est capable de détruire la galaxie en prenant la forme d’un grand perruche enflammée, est plus intéressante que la simple histoire d’un mec qui tombe amoureux d’une fille ?


Pour répondre à cette dernière question immédiatement, il suffit de parler d’un album. Car les trois remarques que nous nous apprêtons à faire sont à notre sens prises en compte dans Marvels que Stan Lee, le chaman mégalo du comics, a applaudi de ses deux mains pleines de stylos lors de sa sortie. C’est un album extraordinaire, qui est un classique, par sa fonction incroyable de synthèse de l’univers Marvel, et parce qu’il présente justement les problèmes soulevés par l’apparition du merveilleux lui-même. Le style d’Alex Ross trouve enfin son sens (un post à lui tout seul pourrait se demander si Ross est un vilain néo-classique ou un vilain post-moderne). Car il parvient à faire balancer le lecteur entre le côté ringard des comics des années 40 et leur éventuel atemporalité, entre la féerie qui habite les collants de ces hommes parfaits et le réalisme dans lequel ils sont pourtant censé s’insérer.


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L’histoire est celle d’un journaliste ordinaire qui suit, de l’extérieur, et depuis les années 40 jusqu’aux débuts des années 80, l’avènement de ces hommes extra-ordinaire, les « marvels ». De simple journaliste de faits divers, l’anti-héros devient journaliste de guerre aux côtés de Captain America, puis journaliste d’investigation à la recherche de la vérité sur Spiderman. On voit donc, de l’extérieur, saisis dans leur étrangeté première, une pléthore de super-héros passer dans le ciel new-yorkais, laissant le bon peuple américain stupide et terrorisé. Les rebondissements incessants, les trahisons puis réconciliations immédiates, les apocalypses multiples auxquelles ils échappent ou qu’ils provoquent, rendent incompréhensibles au commun des mortels le destin de ces super-héros. Car, comme le mythe de Frankenstein invoqué en début d’album le laisse supposer, le sentiment de ces humains devant ces surhumains est bien l’horreur. Et c’est le grand mérite de cet album de rappeler cette filiation du héros avec le monstre. Tout fan oublie qu’il aime des monstres à force de les aimer. Marvels rappelle – au risque de tuer le fan – que son fanatisme est fou ; qu’il n’existe aucune vérité au sujet des super-héros, qu’on est devant une chaîne sans fin d’histoire absurdes, pleines de bruit et de fureur, racontées par un idiot, pour ne pas rappeler les mots d’une célèbre tragédie shakespearienne… Ce qu’on ne faisait que postuler au moment d’ouvrir ces mondes de strips colorés – adhésion ou frayeur face aux super-héros – est enfin expliqué par ce regard périphérique d’un homme sur ces surhommes. Et avec cette frayeur, la possibilité est enfin envisagé qu’on était accroc depuis longtemps, non pas du merveilleux, mais à l’élément tragique de ce merveilleux.


Mais revenons à nos trois incohérences.


1. Les super-héros ne peuvent pas ne pas « impacter » l’économie.

En effet, les bastons entre super-héros et super-vilains sont si destructrices pour l’environnement urbain, que n’importe quelle rencontre entre Superman et Doosmday provoquerait cinq crises économiques à la chaîne. Et que dire des déchaînements habituels de Hulk à New York ? Bien sûr, il peut exister à l’occasion des guerres secrètes dans le désert du Nouveau Mexique, mais les explosions et les immeubles détruits font tellement partie du décor que l’ignorer trop longtemps relèverait de l’idéologie. Superman resterait-il Superman s’il provoquait plus de crises économiques qu’un bandes de traders cocaïnés (on l’appelerait FinancialCrisisMan – trop d’initiales pour un seul t-shirt) ? Ne devrait-on pas inventer des héros qui auraient le pouvoir de contrôler les flux financiers ? Ou des vilains qui enfin tirent profits de leur facilité à changer l’état de la matière pour inonder le marché d’or ? Voilà un terrain à habiter.

Quitte à prêter une effectivité des super-héros sur l’économie mondiale, on devrait aussi imaginer que certains d’entre eux tentent de booster l’industrie en s’enrôlant dans d’ingrates tâches de construction et de rénovation. Superman pourrait construire des ponts. Batman vendre des batmobiles sur E-bay. Pourquoi les états ne les ont-ils pas forcés à prêter main forte plus souvent lors des crises du pétrole ou de l’immobilier ? Même si quelque chose comme l’Aim, dans l’univers Marvel cherche perpétuellement à tirer profit en matière d’armement de l’existence de quelques mutants, cet aspect reste complètement négligé. De façon générale, c’est l’effet du super-héros à grande échelle qui reste impensé – et pourtant ô combien nécessaire et original.

Quand on parle de Marvelverse, ou de DC universe, on méconnaît le sens de ces concepts d’univers. Car il n’y a pas d’univers Marvel, ou d’univers DC. Les fans sont hameçonnés par ce qui donnent du crédit à leur fanatisme. Marvel dans les années 60 avait parfaitement compris qu’un relevé méticuleux des apparitions des personnages, ou que l’établissement de fiches de personnages donnerait du crédit à ses histoires, comme une caution scientifique. Mais il n’y a pas d’univers réel pour cette bonne raison qu’aucun effet global ne peut être narré. Ou plutôt c’est le défi lancé à toute littérature, et que Marvel ou DC n’ont pas plus que les autres résolu en multipliant les personnages ou les lieux. Il y a bien une continuité, plus ou moins chaotique, certes, mais pas d’univers à proprement parler. Cette continuité a été établie par nécessité, pour continuer à faire adhérer les fans à un merveilleux tolérablement contradictoire, et c’est déjà beaucoup. Mais en réalité, l’univers, et les causes globales qui le maintiennent en cohérence, restent à être décrites, et pourrait l’être mieux que dans d’autres genres, car le comics peut facilement présenter un portrait épique et panoramique de la réalité.



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Destruction et crack : la mort de superman - source.


2. Un tel phénomènes que des surhumains volants sur Terre ne peut pas ne pas donner lieu à une nouvelle culture, ou à un mouvement politique.

Que ce soit d’ailleurs une culture pro-surhumaines ou une réaction anti-surhumaines. Si on se penche un peu sur le problème, et sur les réactions historiques d’homme bien réels face à l’idée de surhomme, on verrait qu’elles sont de deux types : la peur et l’annihilation de ce qui se présente comme super-humains, ou une super-adhésion nazi à l’espoir qu’un jour l’humanité soit purifiée des médiocres. L’univers DC a eu l’excellente idée de faire de Luthor un personnage qui surfe sur la vague de la peur des surhumains (côté Marvel, on a vaguement le personnage de Jonah Jameson qui dresse les masses contre nos amis masqués, mais c’est pour des raisons plus personnelles qu’idéologiques).

Prenons rapidement le cas de la série animée Justice League (qui a le mérite de synthétiser et linéariser des décennies de comics en quelques saisons). Luthor y apparaît comme le seul vrai personnage en évolution. Et c’est l’intérêt principal de la série : l’humain dénué de pouvoir, qui s’oppose à Superman devient progressivement aussi surhumain que son ennemi intime, Superman. Au fur et à mesure de ses échecs, Luthor se change en une entité cosmique quasi-invincible, tenant au creux de sa main la fameuse équation anti-vie capable de détruire tout l’univers et tous les mondes possibles. Mais l’évolution de ses pouvoirs va de pair avec une nouvelle perception du monde, et donc une nouvelle perspective sur l’univers. L’humain se divinisant se comporte donc en dieu et sauve la galaxie plus que Superman ne pourrait jamais le faire. Mais dans tous les cas, malheureusement, cette situation (d’un humain défiant les surhumains) n’est jamais présentée comme endémique et durable. Pour le dire simplement, chez DC le problème est au mieux politique. Les Watchmen sont remarquables en ce sens : « qui gardent les gardiens ? » Problématique de philosophie politique classique depuis les satires de Juvénal, et surtout depuis qu’il existe des tyrans et des dictatures.


Mais on attend encore avec impatience une bande dessiné qui oseraient présenter des humains comme des résistants légitimes à la toute-puissance des surhumains. Tels des réactionnaires jonassien et anti-darwiniens, ils tenteraient de préserver pour leur descendance les conditions de vie originelles et intactes de l’espèces humaines... L’univers Marvel est certes beaucoup plus riche, puisqu’il lie depuis les années 70 l’existence des mutants à la problématique raciale – sans doute moins par humanisme que par injonction du Comics Code Authority (cf le sixième paragraphe). Toute réaction anti-mutante renvoie pour un bon petit marvelite à son argumentaire anti-raciste : « le mutant est différent, mais il est une personne lui aussi ». Mais ce progrès est ambivalent. Car ce faisant, Marvel bloque toute légitimité à la contestation de cette toute-puissance mutante. On voit par là, qu’encore une fois, le genre comics, en dépit de son exubérance, réinstalle très vite le lecteur dans une lecture conservatrice du monde. La déclaration de principe est celle-ci : « La toute-puissance est bonne par nature, puisque c’est celle de vos héros. »

Dans les années 80 et au-delà, le mérite de Chris Claremont avait été de donner aux X-Men d’origine un statut de rebelles, et les codes culturels qui vont avec. La toute-puissance devenait hype, condescendante avec la sous-culture ambiante. Intégration d’adolescents à l’équipe, blouson en cuir et moto pour Serval, crête punk pour Tornade… les X-men sont allés jusqu’à accueillir des clodos mutants et des superstars marginales tentant d’échapper aux flashs des caméras. Pourtant, encore une fois, ce lifting culturel des X-Men est trompeur : ce sont les X-Men qui s’adaptent à l’époque (réelle), et non l’époque (du récit) qui s’adapte aux X-Men.

En outre, le seul fait que les masses humains réagissent par xénophobie à ces surhumains n’est pas encore la constitution d’une culture. Dans le même sens, l’éternelle tentative de Magnéto pour créer un eldorado mutant ou plus radicalement pour détruire l’homo inferior ne se diffuse jamais plus loin qu’un groupe de fanatiques. Grant Morrison avait tenté de réamorcer le problème lorsqu’il a pris en main les News X-Men, en montrant qu’implicitement tout élève de Xavier pouvait adopter une position radicale en réaction à Xavier lui-même. Mais très vite, la rebellion du jeune Quentin Quire à l’endroit de Charles Xavier a tourné court. Cette sous-culture mutante et fasciste s’est auto-détruite, comme à chaque fois les tentatives de Magnéto. Pourtant, cette fois, le jeune anti-héros empruntait directement à des codes vestimentaires tendances, pour constituer un mouvement extrémiste mutant.



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La haine : première réponse à la différence - dessin Alex Ross.



3. Les super-héros ne pensent pas à s’attaquer aux vrais problèmes, et partant, ne peuvent pas ne pas passer pour complètement inefficaces.

Aucun super-héros n’a pensé empêcher la pédophilie ou le tourisme sexuel. Aucun super-héros n’a envisagé de priver l’Iran de son stock de missiles nucléaires (et pourtant à une époque, ils luttaient contre Hitler – ce qui explique peut-être pourquoi dans l’inconscient Hitler est davantage une super-vilain qu’un homme politique nazi). Batman a bien combattu en Irak également, mais en trouvant encore et toujours la trace du Joker derrière les causes de la guerre, comme si les comics ne pouvait jamais traiter des problèmes humains que sous des apparences mythiques. En bref, aucun super-héros n’a réussi à stopper la faim dans le monde, ou la criminalité endémique des quartiers pauvres.

Il existe certes, deux superbes albums dessinés/peints par Ross avec deux scénaristes différents mais qui oeuvrent dans le même sens. Krueger comme Dini disent en substance : les super-héros peuvent un peu améliorer les choses mais c’est pas leur boulot. Dans Batman : War on Crime, Batman/Wayne entreprend de rénover les quartiers pauvres et donner une vie décente à leurs habitants à coups d’investissements audacieux et philanthropiques. Et dans Superman : Peace on Earth, Superman/Kent tente de stopper la faim dans le monde, d’abord en distribuant gratuitement de la nourriture, puis, comme il échoue, il décide d’apprendre simplement (et naïvement) à un petit enfant africain à cultiver sa terre aride, comme les Kent lui ont appris (mais sur la très fertile terre de Smallville).


Mais alors, cela ne signifie-t-il pas que la lecture de ces comics est d’emblée fataliste ? Car la marge d’amélioration de l’humanité est finalement presque nulle. Car (1) Des vilains naissent et renaissent en permanence, (2) les causes endémiques du malheur véritable sont inamovibles, et (3) les super-héros ne peuvent s’opposer qu’à ceux qui ont consciemment et très théâtralement formé le projet de faire le mal. Contre toutes les causes inconscientes du mal, ils ne peuvent rien.

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