Les mérites d'X-Files
Notre monde a changé. Et pour qu'il change, un autre a dû disparaître. Et pourtant, nous sommes restés...
Ces considérations métaphysiques servent ni plus ni moins qu'à demander un droit d'inventaire sur les presque-oubliées-et-bientôt-re-vivantes : ...Années 90 ! Au moins, sa série-phare : X-files. Parce qu'elle est indéniablement ringarde. Et dans ce ringard pourtant, on sent aussi qu'il y a quelque chose qui s'est conservé, assez bien, et qui flotte dans son petit bocal de formol prêt à être gobé de nouveau. Quelle serait l'originalité d'X-files aujourd'hui ? Qu'a à dire Mulder face à nos séries shootées aux rebondissements et à la caméra portée. Qu'a à dire Scully face aux mystères encore plus épais d'un Lost ou d'un diagnostic de Dr House réussi ? Que vaut le charisme d'un homme à la cigarette face au charisme d'un Don Draper et des milliards de cigarettes qui se fument dans les agences de pub de toutes les années 60 ?
Eh bien pour l'instant, juste deux trucs.
(1) X-files a eu le mérite dans les années 90 de nous faire parcourir (dans de faux décors d’Amérique profonde) les Etats les plus paumés et ploucs des USA. Souvenez-vous le nombre de fois où on était conduit par nos agents du FBI dans des fermes de paysans pervers et DEVOlutionnistes, ou dans des forêts grandioses où les astéroïdes extra-terrestres côtoyaient toutes les races oubliées de mammifères, d’insectes, et d’hommes-feuilles.
Aux antipodes de nos années de grunge des années 90 : Desperate Housewives, an 2000. Des femmes vivant en toute quiétude dans des maisons qu’un français moyen n’aurait jamais eu l’audace de faire construire, avec des frigos plus remplis que des Franprix. Elles ne se déplacent que dans des environnements urbains, et sans doute se dissoudraient si elles devaient rester longtemps dans la forêt (cf. fin saison 3).
Et nous ne parlons même pas de Gossip girls ou de Sex and the City (pour rester dans le registre des grosses séries). Avec X-files, dans une série prime-time comme avant avec les Simpsons, on montrait la pauvreté, de la plus crasse à la plus médiocrement moyenne, et surtout, on le répète, la pauvreté non-urbaine, décor canadien oblige. Après tout, ces familles entières vivant au contact des phénomènes étranges ont même un vrai côté altermondialiste à y regarder avec nos yeux de traumatisés du millénaire. Elles tolèrent les loups garous, retrouvent le goût de rituels étranges, et s’habillent la plupart du temps en chemise à carreaux trop larges.
La seule série américaine tournée dans le limousin... - source.
(2) Le format de 50 minutes par épisodes… ? non, mais la gravité constante du ton, augmentée par le format de cinquante minutes. Pour une fois, ce qui comptait moins que le spectacle étrange des lumières de l’inconnu et de l’au-delà, c’était les interrogations constantes de Mulder et de Scully. On ne peut en effet rien comprendre de ce que l’on voit tant que Mulder n’a pas émis une hypothèse, que Scully n’a pas émis une dizaine de doutes et ajouté une vingtaine de moues. Les effets spéciaux ne permettraient pas de vendre la série (un spectateur normal aurait été déçu tout de suite) s’il n’y avait, avec une vraie gravité, les lourdes ratiocinations de M. et S.
Car attention, génie ! L’enquête ne repose pas sur des preuves, mais plutôt sur un schéma logique identique indiquant qu’on progresse. Etape 1 : Une hypothèse folle de M., des doutes de S. Etape 2 : M. a tort, et S. raison, mais ça confirme en réalité une théorie encore plus folle de M. Etape 3 : l’hypothèse est peut-être fausse, tout est faux, mais au moins, ça a permis de sauver quelqu’un ou d’arrêter une catastrophe. Bref, le mystique rejoint le pragmatique, grâce au sceptique. Le best of de la philosophie américaine en boîte. Et le seul truc spectaculaire, c’est qu’on puisse se contenter de deux bustes parlant sans expressions pendant 50 minutes et répétant le même schéma. Et relativement sans ennui, parce qu’il y a au moins un plan lynchien dans l’épisode, de deux jumelles blondes au regard vide dans un champ de maïs.
Et vous savez quoi ? Compter le nombre de doutes et d’hypothèses exactes compte moins que le fait que cette description de la série vous paraisse juste… étrange non ? Attendez, j’entends déjà au loin des synthés ringards et gluants…
Richard M.